Philosopher ne peut se résumer à disserter sur des textes savants. L’enseignement de la philosophie aux enfants ne fait d’ailleurs pas mention des grands auteurs. Il s’agit d’initier l’enfant à penser par et pour lui-même.
Dés la moyenne section de maternelle, l’enseignant peut inviter les enfants à réfléchir à une question pratique : « C’est quoi grandir ? Pourquoi on aime ? A quoi servent les parents… ? » Cette réflexion doit leur permettre d’apprendre à argumenter, conceptualiser et émettre un jugement qui leur est propre.
Michel Tozzi, ancien prof de philo et actuel enseignant des sciences de l’éducation, à Montpellier III, souligne l’importance de la philosophie dans la construction de la pensée rationnelle et la capacité d’analyse :
« La discussion philosophique contribue à la maîtrise du langage et éduque à la citoyenneté – s’écouter, se respecter – elle est donc amenée à se développer ! »
En apprenant à cultiver un esprit critique, une réflexion et un jugement autonomes, l’enseignement de la philosophie initie les enfants à l’exercice de leur libre-arbitre.
Comment la mettre en pratique ?
A partir d’une histoire ou d’un film, il s’agit de créer un espace de discussion, où l’enfant peut s’interroger, motiver sa réponse, écouter les autres sans se moquer, sans couper la parole, ni répéter… « Chacun dit ce qui lui passe par la tête, sans réfléchir. Comme Socrate, l’enseignant pose des questions pour obtenir des réponses, qui ne seront pas nécessairement celles qu’il attend », explique Oscar Brénifier, docteur en philosophie et auteur notamment du « Livre des grands contraires philosophiques » (avec Jacques Despres, éditions Nathan).
L’atelier de philosophie implique une présence forte de l’adulte mais sans qu’il cherche à influencer ou à contrôler le déroulement des débats. L’objectif est de stimuler la pensée.
Patrick Martinez, instituteur à Ecuelles, commune de Seine-et-Marne, s’appuie sur les outils pédagogiques de la revue Pomme d’Api pour animer des discussions philosophiques :
« En début d’année, l’approche reste très difficile. Les enfants ne comprennent pas le principe, n’osent pas parler. Il faut patienter, poser des questions, relancer. A long terme, ces ateliers permettent d’interroger les présupposés, les idées reçues, d’accepter l’avis de l’autre sans le partager. Ils facilitent l’expression d’un point de vue, un apprentissage important à cet âge. »
Par la pratique philosophique, l’idée est de montrer aux enfants qu’ils peuvent trouver dans leurs réflexions des solutions concrètes à des problèmatiques. Elle les invite à être créatifs et leur permet de gagner en assurance.
Ce qu’il reste à faire
La pratique des ateliers de philo en maternelle et primaire reste expérimentale. Encore totalement absente des programmes scolaires, elle résulte souvent de l’initiative personnelle d’un enseignant. Oscar Brénifier :
« Pour beaucoup d’enseignants, la philo reste une matière érudite, abstraite, difficile. D’où leur incompréhension face au principe des ateliers de philo pour enfants. De plus, ils conçoivent leur rôle dans la transmission : dire ce qui est bien, mal, vrai, faux… Or, c’est un écueil à éviter. »
Pour un apprentissage qui ne se réduise pas à acquérir des connaissances, et passer d’un enseignement magistral à une pratique vivante de la philosophie, il faudrait une révolution culturelle. Et le plus tôt possible ! Car en matière de philosophie, « la valeur n’attend point le nombre des années »…
Source : Rue 89, rubrique passage à l’acte : http://www.rue89.com/passage-a-lacte/2011/05/30/et-si-on-enseignait-la-philosophie-des-la-maternelle-206118
Pour info : l’idée n’est pas si « confidentielle ». Elle était promue à l’IUFM, avec pour support la collection « Les goûters philo ». Je connais des enseignants qui l’ont mis en place en élémentaire.